>   En route vers Bagdad
En route vers Bagdad

En route vers Bagdad

9-12 ans - 63 pages, 17594 mots | 2 hours 08 minutes de lecture | © Dadoclem, 2019, pour la 1ère édition - tous droits réservés


En route vers Bagdad

9-12 ans - 2 hours 08 minutes

En route vers Bagdad

During the 8th century AD, Majid, a young fisherman with a supernatural power, leaves for Bagdad to search for a remedy to save his father. Surviving the dangers of swamps, the desert, and the gigantic capital will change his life forever...

This adventure novel is an epic testimony of the 1001 discoveries that happened within the Arab civilization 12 centuries ago.


Read also:

The second tome of the series: Missions Byzantines

The third tome of the series: Un éléphant pour Charlemagne

"En route vers Bagdad" vous est proposé à la lecture version illustrée, ou à écouter en version audio racontée par des conteurs et conteuses. En bonus, grâce à notre module de lecture, nous vous proposons pour cette histoire comme pour l’ensemble des contes et histoires une aide à la lecture ainsi que des outils pour une version adaptée aux enfants dyslexiques.
Dans la même collection : Voir plus
Autres livres écrits par Hugues Beaujard : Voir plus

Extrait du livre En route vers Bagdad

En route vers Bagdad - Les aventures de Majid de Hugues Beaujard aux éditions Dadoclem


Nous sommes au VIIIe siècle après Jésus-Christ, au centre de l’immense empire arabe. Bagdad, sa capitale, fête le nouveau calife, Haroun al-Rachid. Mais à quatre cents kilomètres de là, dans les marais au nord du grand port de Bassora, Majid et sa famille vivent des instants difficiles.
Chapitre 1 Seul dans les marais Salim, le père de Majid, grelottait, transpirait, gémissait tout à la fois, torturé par les fièvres des marais. Les remèdes traditionnels du village n’en venaient pas à bout et Majid, inquiet pour la santé de son père, l’observait en silence. Depuis plusieurs jours déjà, Salim ne quittait plus sa couche, incapable d’aller pêcher. La famille n’avait plus d’argent, et les réserves de nourriture s’épuisaient. Majid sortit de la hutte de roseaux et prépara ses affaires de pêcheur. Debout devant leur cabane, la femme du vieux Salim le regardait. « Majid, tu vas sur un nouveau lieu de pêche, sois très prudent. – Ne t’inquiète pas, maman. J’ai tellement joué dans les marais. Je peux trouver mon chemin et éviter les dangers les yeux fermés ! – Nom d’une plume, garde-les quand même ouverts ! protesta Momo, leur perroquet. – Et attention à l’orage ! », ajouta sa mère. Le soleil, d’habitude si prompt à éclairer la cabane, n’était pas encore apparu. De gros nuages noirs bouchaient l’horizon. Heureusement, Momo accompagnait Majid. Salim l’avait acheté à un marchand du port de Bassora, alors que le pauvre oiseau dépérissait, blessé au fond d’une cage. Depuis, Momo ne les avait plus quittés. Ils le considéraient comme un membre de la famille. « Mes affaires sont prêtes ! », s’exclama Majid, faussement léger. Sa mère l’embrassa, et Majid sauta dans son embarcation. Le cœur du jeune garçon battait à vive allure. Momo vola jusqu’à son épaule et le gratifia d’un petit coup de bec affectueux, avant d’aller se percher à l’avant de la barque. « Capitaine, votre pilote est prêt ! » Majid donna un vigoureux coup de perche, et ils s’éloignèrent en direction des roseaux qui entouraient le village.
Ce jour-là, Majid ne prit pas le temps de flâner pour regarder le vol d’un héron pourpré, ni pour écouter le cri de l’oiseau pluvier. Il voulait arriver rapidement sur le nouveau lieu qu’il avait choisi pour pêcher. La famille comptait sur lui pour remplir le garde-manger. Il avait hâte de réussir sa mission. Et puis, il voulait éviter l’orage... Il suivait scrupuleusement les canaux aménagés dans les marais lorsque, tout à coup, le nuage noir qui bouchait le ciel se déchira dans un énorme coup de tonnerre. Jaillissant du nuage, un éclair frappa l’eau à quelques mètres de la barque de Majid. Le jeune garçon tomba à la renverse, et ne se rattrapa qu’au dernier moment au rebord du bateau. Un coup de vent violent agita les branches des arbres. Momo se mit à crier : « Un nid à la mer, un nid à la mer ! – Mais il n’y a pas de mer, Momo ! » Majid regarda dans la direction pointée par le bec du perroquet : un nid flottait à la surface de l’eau du canal, ballotté en tous sens par les vagues. À chaque instant, il menaçait de se renverser et de perdre son précieux chargement. Et la pluie qui s’était mise à tomber ! Majid n’osa pas s’approcher avec la barque, de peur de créer des remous qui l’auraient fait chavirer. Il se glissa lentement dans l’eau du canal, et nageant prudemment au milieu des vagues, s’approcha du nid en perdition. Il tendit la main pour l’attraper lorsque, catastrophe ! un coup de vent plus violent agita l’eau et renversa le nid. Les dix œufs qu’il contenait tombèrent à l’eau ! Majid rattrapa rapidement le nid et une partie des œufs pour les déposer dans la barque, mais deux œufs lui échappèrent. Il plongea vers le fond pour recueillir les œufs qui coulaient à pic. Il lui fallut quelques brasses avant de pouvoir attraper le neuvième. Ses poumons manquaient d’air, il avait l’impression que sa poitrine allait exploser. Et le dernier œuf continuait à descendre, un mètre devant lui. Dans un ultime effort, Majid tira violemment sur ses bras et s’en saisit. Il n’avait plus un brin d’air dans les poumons. Sous lui, le passage d’un poisson effrayé écarta les algues, découvrant le
fond du canal. Une chance ! Un coup de talon le propulsa rapidement à la surface. La bouche grande ouverte, il sortit enfin sa tête hors de l’eau. Ouf ! Le jeune garçon se hissa dans son bateau et déposa les œufs dans le nid. Dix œufs ! Son estomac gargouilla si bruyamment que même Momo l’entendit : « Ton ventre vide crie famine », se moqua le perroquet. Voilà plusieurs jours que Majid et sa famille ne mangeaient plus à leur faim, et il aurait pu préparer une magnifique omelette avec tous ces œufs ! Les cris d’un oiseau interrompirent ses fantasmes gastronomiques. Au-dessus de lui, une aigrette criait et battait violemment des ailes pour l’effrayer. La mère ! Elle cherchait à protéger ses œufs. Majid s’attendrit devant le courage de l’oiseau. Il pensa à la détresse de l’aigrette s’il mangeait ses petits. Il en oublia sa faim, et déposa le nid sur une large et grosse branche. Aussitôt, la mère aigrette se précipita pour les couver. L’estomac vide mais le cœur en paix, Majid s’apprêtait à continuer sa route vers le lieu de pêche lorsque, s’échappant subitement des nuages, un rayon de soleil vint l’éblouir : il lâcha sa perche et, d’une main, protégea ses yeux. Sortant de nuées blanches, un magnifique héron pourpré aux ailes immenses – Majid n’en avait jamais vu d’aussi grandes – se posa devant lui. « Majid, une fois de plus, tu as montré que tu avais du cœur et du courage. » Majid n’en revenait pas : le magnifique oiseau lui parlait dans le langage des hommes ! Le seul oiseau qu’il avait jamais entendu parler, c’était Momo, un perroquet. Mais un héron qui parle, c’était impossible. « De plus, tu as sauvé ma famille, reprit le héron. À mon tour d’aider la tienne. Je t’offre ce don : désormais, tu comprendras le chant de tous les oiseaux. Ce don te sera très utile pour pêcher et surmonter les dangers des marais. Mais attention : il doit rester secret. N’en parle jamais à un
être humain ; sinon, dans l’instant, ton pouvoir disparaîtra. » Un vent puissant et chaud agita les arbres, et se transforma en une bourrasque qui obligea Majid à fermer les yeux. Le temps de les rouvrir, le héron avait disparu. Une légende disait qu’un héron, extraordinaire par sa beauté et son envergure, régnait sur les oiseaux du marais. Il n’apparaissait que très rarement aux humains, et toujours pour les punir ou les récompenser. Le cœur battant, Majid se dit qu’il avait sans doute eu la chance de sa vie, la chance de rencontrer le roi des oiseaux du marais ! Chapitre 2 La pêche Encore tout émerveillé de sa rencontre avec le magnifique héron, Majid arriva sur le nouveau lieu de pêche. Il lança le filet dans l’eau. À cause de l’orage, la corde qui retenait le filet était humide et glissante. Elle filait à toute vitesse et lui brûlait les doigts. Il n’arrivait plus à l’arrêter ! Le garçon banda ses muscles de toutes ses forces pour retenir la corde. Celle-ci s’arrêta. Ouf ! Encore tout tremblant de son effort, Majid tira le filet hors de l’eau et regarda le résultat de sa pêche : rien, hormis un amas d’algues et de bouts de bois emmêlés... Alors le jeune pêcheur nettoya patiemment son filet. Il protégea ses doigts ensanglantés avec une bande de tissu, puis lança le filet une deuxième fois. Il le tira hors de l’eau : rien, hormis
quelques bouts de bois et des morceaux d’algues emmêlés... « Décidément, je n’ai pas de chance », se dit Majid en nettoyant son filet. Il se ressaisit et le lança une troisième fois. Il le tira hors de l’eau : toujours rien... Majid commençait à se décourager. Ses doigts blessés lui faisaient terriblement mal, et trempé jusqu’aux os, il grelottait. Il se sentit prêt à abandonner. Des voix de femmes l’arrachèrent alors à son découragement. Il tourna la tête dans leur direction et ne vit rien d’autre que de jolies sarcelles, avec leur tête rousse, leur bande verte sur les joues et leur plumage ventral tacheté de noir. « Pauvre Majid... » Majid faillit tomber à la renverse en entendant une des sarcelles parler comme un être humain ! « Il est découragé... lui répondit une sarcelle. – Et ses doigts saignent ! », renchérit une troisième. Terrorisé, Majid s’apprêtait à fuir lorsqu’il se rappela la promesse du vieux héron : « Désormais, tu comprendras le chant de tous les oiseaux. » Ainsi donc, c’était vrai ! « Sarcelles, aigrettes, hérons ou oiseaux pluviers, les oiseaux n’auront plus de secrets pour moi ! » Cette idée lui remonta le moral. Les trois sarcelles poursuivaient leur conversation : « Il ne doit pourtant pas s’arrêter là. – Il devrait juste se déplacer. – Un peu plus loin. – Derrière notre bosquet. – Mais voilà, son père n’est pas là pour le conseiller ! » Ces sarcelles étaient un signe du destin : il fallait les écouter. Majid déplaça sa barque derrière leur bosquet et lança son filet pour la quatrième fois. Il le tira hors de l’eau, plein d’attentes. Il ne fut pas déçu : son filet regorgeait de poissons ! Il était si lourd que le hisser par-dessus bord s’avéra une entreprise périlleuse. Plusieurs fois, Majid faillit être entraîné par le poids du filet. Plusieurs fois, il manqua lâcher la corde. Sautant sur place, battant des ailes, Momo l’encourageait :
« Majid, ne lâche pas ta prise ! Allez, Majid, tire, nom d’une plume ! » Lorsque, enfin, le jeune garçon hissa le filet hors de l’eau et en déversa le contenu dans la barque, celle-ci grouillait de poissons. Majid ne prit pas le temps de tous les regarder. Il craignait trop de perdre son précieux chargement. Il les recouvrit de quelques roseaux coupés à la hâte et s’engagea sur le chemin du retour. Chapitre 3 Le mauvais sort Le retour de Majid se déroula sans encombre jusqu’au village. Le premier à le voir, son oncle Malik, resta bouche bée un long moment, puis appela : « Salim ! » si fort que tous les habitants du village l’entendirent. La rumeur d’une pêche extraordinaire parcourut rapidement les cabanes des pêcheurs et tous, sans exception, accoururent. Les uns voulaient toucher les poissons, les autres embrasser Majid ; les enfants surexcités sautaient, couraient dans tous les sens... Rapidement, l’équilibre de sa barque s’en trouva menacé ! L’énergique Malik n’écarta qu’à grand-peine la remuante assemblée. Enfin, tout le monde se calma, et un banquet fut organisé en l’honneur de Majid. Ce soir-là, hommes et femmes, enfants et grands-parents rirent, chantèrent, dansèrent, sans plus se soucier du lendemain. Le plus heureux de
tous, le père de Majid, trouva la force de tenir un petit discours : « Majid, je suis très fier de toi. Tu as montré que tu savais pêcher pour nourrir ta famille. En plus, tu as suffisamment de poissons pour en vendre une grosse partie au marché du marais. Le destin nous envoie un signe favorable. Remercions Allah pour sa générosité, et réjouissons-nous ! » L’exploit de son fils lui redonnait du courage et de l’énergie pour lutter contre la maladie et les fièvres qui l’accablaient depuis si longtemps. La mère de Majid se réjouissait aussi, même si elle aurait bien aimé garder son aîné auprès d’elle. Mais Salim avait raison. Pêcher autant de poissons était une aubaine. Majid partirait dès le lendemain matin au marché du plus grand village des marais, le village du cheikh. Là vivaient des gens riches qui lui achèteraient sûrement ses poissons. Le lendemain, Majid se leva avant l’aurore. Tout le monde dormait encore. Seule sa mère était debout. « Fais attention, mon fils, sois très prudent. – Ne t’inquiète pas, maman, j’ai déjà affronté seul les dangers des marais. – Peut-être, mais tu connais encore si peu les hommes et leur méchanceté : certains sont venimeux comme des serpents, et rusés comme des renards. Ta barque pleine de poissons va exciter leur convoitise. Envieux et jaloux, ils te voleront sans aucun scrupule. Il faudra te méfier de tout le monde, crois-moi. – C’est promis, je ferai attention. Mais rassure-toi, Momo est là pour m’aider. Il connaît bien les marchands, lui. Aussi bien que papa, c’est sûr ! » Le fidèle perroquet dressa la tête : « Aussi bien que Salim, pour sûr ! – Il a fréquenté les marchés d’Afrique, de Chine et d’Arabie, continua Majid. – J’ai vu à l’œuvre les marchands les plus habiles et les voleurs les plus sournois. – Il saura me conseiller. – Tu peux compter sur moi ! », dit Momo. L’oiseau se percha sur l’épaule de Majid, puis le jeune garçon embrassa sa mère et embarqua. Tandis qu’elle les regardait s’éloigner lentement
dans l’aube, le perroquet lui adressa un clin d’œil complice. Ils disparurent rapidement au milieu des roseaux. Le bruit feutré de la perche de Majid se mêlait aux premiers chants des oiseaux. La mère devinait l’avancée de la barque au balancement des qasab, les roseaux géants des marais Quand tout redevint immobile, elle retourna auprès du foyer, et essaya de tromper sa crainte en préparant le petit-déjeuner pour sa famille encore endormie. Le soleil montait peu à peu dans le ciel. Majid se concentrait sur la navigation : il n’était pas facile de se frayer un passage dans le dédale des canaux. Tout à coup, une plainte le fit sursauter. Il crut reconnaître le gémissement d’un enfant. Il chercha autour de lui, mais non, personne à l’horizon. « Momo, as-tu entendu ? demanda-t-il à voix haute, d’un ton mal assuré. – Ben quoi, c’était juste un oiseau », lui répondit Momo. Un cri résonna à nouveau dans les marais. « Ah, tu vois ! Je te l’avais dit ! C’est un enfant qui appelle sa mère. » Momo secoua la tête. « Tu délires ! Moi, je n’entends que le chant d’un oisillon ! » Et cependant, il n’y avait toujours personne en vue. Ni enfant ni oisillon. Majid commençait à avoir peur. Momo s’envola en direction de la plainte, et découvrit... un tout petit héron qui sanglotait auprès de sa mère. Celle-ci était allongée par terre, épuisée. Majid s’approcha, le petit héron répéta sa supplique : « Un génie du marais lui a jeté un mauvais sort ! Elle ne peut plus voler. Aidez-nous, s’il vous plaît. » À peine eut-il prononcé ces paroles qu’un horrible génie sorti de nulle part dit d’une voix rocailleuse : « Je l’ai punie pour avoir crevé les yeux de mon fils cadet ! – Mais elle ne l’a pas fait exprès ! protesta le petit héron. Elle construisait notre nid quand une branche fourchue lui a échappé...