
Conteuse chez Storyplay’r, je suis la première fan des livres dont je me fais la passeuse ! Pas facile de choisir parmi la multitude et la richesse des ouvrages proposés… Dans cette constellation de récits et ce feu d’artifice d’illustrations, certains livres ont cependant laissé en moi une empreinte profonde et singulière.
Oiseau de nuit
Cet album, imaginé par Marie Zimmer et illustré de manière très originale par Arthur Junier aux éditions du Pourquoi pas, est à mes yeux un petit trésor de poésie et de sensibilité. Écrit dans une sorte de prose poétique magnifique et subtile, il aborde la question de l’étranger – ou de l’étrangeté ? – et s’interroge sur la manière de vivre sans entraves, hors des sentiers battus pour vivre et dire sa liberté.
Elliot
Comment parler de ce que ressent un enfant lorsqu’il a des parents incapables de lui prodiguer l’amour et la sécurité dont il aurait besoin ? Comment expliquer le bringuebalage de famille d’accueil en famille d’accueil, le rôle des éducateurs, le processus d’adoption ? Quels mots trouver pour évoquer les difficultés profondes de certains parents à endosser leur rôle de parents et à créer de l’attachement avec leur enfant ? Pour moi, cet album touche juste et trouve une tonalité singulière pour parler de ce sujet difficile.
L’enfant qui vivait dans un mur
Quelle belle métaphore que ce simple mur, dessiné avec une grande simplicité par Sébastien Chebret, qui sépare des parents aimants de leur enfant ! De part et d’autre du mur, des êtres qui s’aiment pourtant mais qui sont séparés par l’impossibilité de s’atteindre, de se toucher, de se parler, de se voir peut-être même. Un mur qui enferme un enfant « pas comme les autres » (je l’imagine atteint d’une forme d’autisme) dans un monde à l’intérieur duquel ses parents, déroutés, peinent à l’approcher. Un mur qui le rassure, un mur qui le protège aussi. C’est beau de les voir tout tenter, tout imaginer sans relâche pour finir par entrer un jour dans la « bulle » de leur petit…
Cher Donald Trump
Un tout autre type de mur que celui qu’imagine le petit narrateur de cet ouvrage plein d’humour… On sourit à chaque page de cette savoureuse salve de lettres d’un enfant demandant conseil à Donald Trump. L’enfant, inspiré par le projet de mur à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, rêve d’emprunter les méthodes et la « philosophie » du président américain en matière d’immigration pour les appliquer à la protection de son espace privé dans la chambre qu’il occupe avec son frère. Une façon, à mes yeux, à la fois drôle, décalée et inspirante de faire réfléchir sur notre monde comme il va en dénonçant l’absurdité de vouloir construire un mur au beau milieu d’une chambre pour séparer deux frères qui pourraient aussi bien jouer ensemble et partager leur espace commun pour vivre de beaux moments ensemble…
Ma blanche colombe
La narratrice de ce bel album est une petite Espagnole qui a fui son pays avec ses parents pour cause de guerre et de dictature. Elle nous livre le récit de sa découverte de Paris à l’occasion de l’Exposition universelle de 1937, de sa rencontre fortuite avec Picasso et son œuvre Guernica, de son attachement à une colombe blessée qu’elle va soigner : autant de thèmes entremêlant l’Histoire, la fiction, la peinture ou la métaphore pour nous parler très simplement et efficacement de notre besoin de liberté.
Jeux de vilains
Un album au texte fort et aux illustrations très travaillées pour évoquer le difficile sujet de la guerre aux éditions Beurre salé. La guerre en question, c’est la guerre des tranchées, la guerre des gueules cassées, mais le récit s’achève sur une idée universelle de rejet et d’horreur de la guerre. Le texte alterne entre narration et échange épistolaire entre un enfant et son père envoyé sur le front, qui cherche par tous les moyens à garder le lien avec son fils. Mais en même temps qu’il lui dit son amour, il tente d’atténuer et de travestir en des termes accessibles à un enfant la réalité de ce qu’il vit… Un texte très très très émouvant à lire pour une conteuse !
Mémé d’avant
Un bien joli album en forme de Je me souviens pour rendre hommage à une grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. La narratrice est une petite fille qui se remémore tous les moments qu’elle a partagés avec sa « mémé d’avant ». Avant, c’était avant que les absences dans la mémoire de cette dernière ne la rendent presque totalement absente à son entourage. J’ai trouvé ce texte et cette approche vraiment très beaux, dans leur simplicité empreinte de beaucoup de poésie et de douceur.
Psyché ou Le pire ennemi de la princesse
J’ai adoré l’humour décapant de ces deux longues narrations. L’écriture est franchement jubilatoire et atypique. Son auteur nous plonge dans l’univers des contes de fées, mais les princes et les princesses auxquels on a affaire ici sont hilarants et jouent avec les codes de l’univers du merveilleux pour mieux nous aider à nous débarrasser des clichés et des préjugés qu’ils véhiculent depuis trop longtemps. Grégoire Kocjan démontre avec subtilité et humour que les princesses n’ont absolument pas besoin de princes pour œuvrer à leur soi-disant libération : elles savent très bien faire par elles-mêmes !
Poils aux pattes
Une lecture savoureuse, drôle et légère, à hauteur de petits, pour parler de la différence, de la discrimination et des jugements blessants que l’on peut parfois subir quand on ne ressemble pas aux autres avant d’assumer sa singularité et de trouver chaussure à sa patte… Quand on l’a rencontrée, on n’oublie plus Gertrude, la petite grenouille qui souffrait d’avoir du poil aux pattes !
Madame de Beaupoil voyage à Londres
Cela fait partie des autres livres très amusants et délicieux à lire lorsqu’on est lectrice chez Storyplay’r : la galerie de personnages y est à la fois loufoque et riche et la balade à travers Londres à laquelle nous convient les auteurs avec cette classe de petits écoliers français et leur prof est franchement exaltante. On les accompagne de quartier en quartier avec jubilation et une fois le livre refermé, on n’a plus qu’une envie : filer à Londres sur les traces de cette super balade à hauteur d’enfant ! C’est pour moi un ouvrage à recommander à tous parents, enseignants d’anglais et professeurs des écoles qui voudraient organiser un voyage dans la capitale londonienne ou donner le goût d’y aller un jour…