Extrait du livre Où cours-tu, Petite Plume ?
Où cours-tu, Petite Plume ? de Didier Jean et Zad aux éditions Utopique
Où cours-tu, Petite Plume ?
Anicet vivait dans une ferme au milieu d’une basse-cour. Ses frères et lui passaient leurs journées à picorer tout ce qui était à leur portée. De tous les poussins, Anicet n’était pas le plus beau, ni le plus gros, mais il était sûrement le plus malin. Il avait fini par dénicher un trou dans le grillage, faisant enrager ses frères qui n’osaient pas le suivre.
Un jour où il avait becqueté plus que de coutume, Anicet se retrouva coincé de l’autre côté du grillage, à cause de son ventre énorme. – Bien fait pour toi ! s’écria son grand frère Bobec. – Nananère ! Tu vas te faire gronder par la fermière, ajoutèrent ses autres frères. Alors, Anicet tourna le dos au poulailler et partit se promener. – Reviens ! Tu vas te faire dévorer par le renard ! lui cria une poule. Mais le poussin, tout excité, ne se retourna pas. Je m’en suis allé Sans me retourner Parcourant les chemins Le regard au loin Oui, j’ai pris la route Sans le moindre doute Mon petit bec en l’air Et mes yeux grands ouverts Je m’en suis allé Sans me retourner Malgré les guets-apens Petite Plume au vent Oui, j’ai pris la route Sans le moindre doute Le bec en l’air Les plumes au vent
Il suivit le soleil pendant un long moment. Le grand air lui faisait tourner la tête. Quel plaisir de marcher les plumes au vent ! Quelle joie de rouler dans les feuilles, au cœur d’un sous-bois transpercé de lumière ! Il découvrait le monde avec des yeux tout neufs. Et cette nature sauvage, cette terre inconnue que tout le poulailler craignait, le poussin s’y sentait comme chez lui.
Le soleil se couchant, les ombres s’allongèrent et la forêt devint menaçante. Le poussin se souvint alors du renard, le pire ennemi de la basse-cour. Il l’imagina qui le guettait sûrement, tapi dans l’obscurité. Un peu inquiet, il fit demi-tour. Mais un craquement le fit sursauter et un souffle l’effleura. Effrayé, le poussin se mit à courir. Hélas, plus il avançait et plus il s’enfonçait dans le bois. Quand enfin, à bout de forces, il s’arrêta, Anicet était vraiment perdu. Pourtant, malgré son inquiétude, il s’effondra sur un tapis de mousse et s’endormit.
Au matin, le sol trembla. Le « tapis de mousse » sur lequel avait dormi Anicet s’étirait en se grattant furieusement. Affolé, le poussin, qui n’avait jamais vu un monstre pareil, voulut s’enfuir. Mais le géant le rattrapa en le saisissant par la queue. – Saperlipopette ! Où te sauves-tu comme ça, « Petite Plume » ? Terrorisé, Anicet bredouilla qu’il était perdu, qu’il avait peur du renard, qu’il aimerait bien retrouver son poulailler, et qu’en plus c’était l’heure de manger. Éclatant d’un rire sonore, l’ours, qui s’appelait Sacha, s’écria : – Ne t’inquiète pas ! Le renard a déjà tâté de mes griffes. Allez ! Fais-moi confiance, je saurai te protéger ! Et puisque tu as faim, je t’emmène découvrir tout ce que la nature peut t’offrir...