Extrait du livre Paris-Paradis (première partie)
Paris-Paradis (première partie) de Didier Jean, Zad et Bénédicte Nemo aux éditions Utopiques
Paris-Paradis
Moussa a grandi au pays des matins brumeux de l'harmattan. Depuis tout petit, il aime s'installer à l'ombre du grand moabi, l'arbre-pharmacie, pour rêver à son avenir.
Mais depuis quelque temps, Moussa est ailleurs. Son rire, sa légèreté l'ont quitté dès l'instant où son cousin Cissé est revenu de France. Cissé qui fait le beau devant les demoiselles... Cissé avec ses dents en or et sa grande voiture remplie de télévisions, de transistors, de téléphones portables et de moulins à légumes aux couleurs clinquantes.
Un soir, alors que Moussa est allongé dehors, sa mère vient s'asseoir près de lui. Elle commence à chantonner la mélopée qui le consolait les jours où, petit, il avait du chagrin. - Mon fils, il est peut-être temps que tu poses ces mots qui alourdissent ton cœur. Après un long silence, Moussa se confie enfin. - Sak a-Mama, ma vie ici est un breuvage amer. J'ai besoin de goûter le sirop de Paris-Paradis.
- Tu te rends compte !? reprend Moussa. Cissé a gagné tant d'argent de l'autre côté de la mer qu'il a pu faire bâtir une maison pour sa mère... Et moi, je n'ai encore rien fait pour toi. C'est pourquoi je dois partir là-bas.
Mais Saka-Mama ne veut pas suivre le chemin des mirages : - Là-bas, dit-elle, Modou a usé sa santé à construire des voitures et il n'a jamais pu s'en offrir une. C'est pourquoi Moussa, mon petit, tu dois rester ici. La nuit dure longtemps mais le jour finit par arriver. Viens donc te coucher ! Moussa écoute silencieusement les paroles de Saka-Mama, puis, une main sur le cœur, s'incline pour saluer sa mère.