Extrait du livre Bonjour poésies
Bonjour poésies d'un collectif de treize poétesses, et illustré par Clémence Monnet aux éditions On ne compte pas pour du beurre
Bonjour poésies
Bonjour merci au revoir de Laura Vazquez BONJOUR le miroir : un miroir donne tous les secrets BONJOUR les ombres : une ombre donne tous les secrets BONJOUR le visage : un visage donne tous les secrets, bonjour BONJOUR les yeux : ils apparaissent sur mon mur la nuit, bonjour BONJOUR les yeux : ils apparaissent sur mon mur le jour et la nuit, bonjour BONJOUR les animaux les personnes le temps, bonjour BONJOUR les buissons les vallées les squelettes, bonjour BONJOUR l’alphabet les fêtes les miettes, bonjour BONJOUR les croûtes les oreilles les dents, bonjour MERCI dans le miroir : j’ai trouvé des ombres, merci MERCI dans les ombres : j’ai trouvé des visages, merci MERCI dans les visages : j’ai trouvé les secrets, merci MERCI dans les secrets : j’ai trouvé des yeux, merci MERCI dans les yeux : j’ai trouvé les choses, merci MERCI dans les choses : j’ai trouvé les vallées les squelettes le temps, merci MERCI dans l’alphabet : j’ai trouvé les fêtes les croûtes les dents, merci AU REVOIR le miroir les ombres, allez au revoir AU REVOIR le visage les secrets, allez au revoir AU REVOIR les yeux les animaux le temps, allez au revoir
C’est complexe, un complexe de Lisette Lombé Si tu demandes aux grandes personnes pourquoi elles n’aiment pas leurs pieds ou leur ventre ou leur nez, elles te donneront des tas de raisons qui te paraîtront toutes plus farfelues les unes que les autres. Tu regarderas leurs pieds, tu regarderas leur ventre ou leur nez mais, bizarrement, tu ne trouveras rien d’étrange, rien de risible, rien à redire. C’est que, vois-tu, c’est complexe, un complexe. Ça naît d’un rien, d’une remarque dans l’enfance, d’une moquerie, d’une comparaison avec ce qui n’est pas comparable. Déjà tu la sens, toi aussi, cette minuscule épine qui griffe et qui meurtrit, puis s’enfonce et s’enfuit, puis grandit et grossit, puis finit par occuper tout ton esprit. Te voilà Yéti, Puant, Rentre dans ton pays ! Te voilà Nabot, Gogol, Teubé, Baraki ! Te voilà Face de rat, Sale Mauviette, Bouli ! Si bien que tu en oublies tes qualités, ton feu, ta fierté et ta force. Si bien que tu en oublies ta famille qui t’aime et tes ami.e.s qui t’adorent. Tu es comme toutes ces grandes personnes qui ne savent plus qui elles étaient avant l’épine, avant la peine.
de Rim Battal J’ai embrassé un crapaud Il s’est transformé en bœuf Je l’ai embrassé encore Et il m’a pondu un œuf De l’œuf est sortie Une dinde dodue qui m’a dit « Salut ! Qu’as-tu ? As-tu perdu la langue ? L’as-tu donnée au chat ? » J’ai haussé les épaules Sous ma tête qui tangue Pas un mot n’est sorti Ma langue est bien partie Faire le tour du monde « Peu pour moi le laid crapaud ! J’en ai assez de ce rôle ! Moi, j’aimerais voir du pays, Écrire ma poésie Et non pas me taire Sourire comme la Joconde » Voilà ce qu’a dit ma langue Dans sa propre langue Alors je l’ai suivie Mon sac sur le dos À pied ou à vélo Rabat puis Nairobi Marseille et Bornéo En passant par Paris On va croquer la vie !

























