Extrait du livre Camille peint
Camille peint d'Ange Potier et Ève Loreaux chez Zoom éditions
Camille peint
Camille a fait des courses. Un litre d’essence de térébenthine, un crabe acheté sur le marché, des poivrons jaunes, un pinceau large, un formidable chou violet. Camille est peintre. Dans son appartement, il y a une palette dans le réfrigérateur, des peintures roulées sous le lit, et toujours des éclaboussures de couleurs sur le lavabo de la salle de bains.
Bocaux, boîtes de conserves, chiffons, piles de journaux, éponges, spatules, couteaux, rouleaux de scotch, crayons, agrafeuses, feutres, pinceaux de toutes tailles ... Les outils s’entassent un peu partout dans l’atelier. Camille amasse une ribambelle d’objets. Ce bijou, cette racine, ce morceau de ferraille, cette girafe en plastique... serviront un jour pour un dessin ou une peinture.
Camille ne gagne pas assez d’argent avec son métier de peintre. Il choisit des petits boulots qui lui laissent du temps libre. Coursier, enquêteur par téléphone... Camille peint chaque jour. Ce qu’il aime surtout, c’est peindre le matin, de neuf heures à treize heures, et puis manger un grand bol de coquillettes à la tomate en regardant son travail. Comme on écrit son journal, Camille réalise à la gouache des séries de compositions abstraites. L’été, avec ses tubes de couleurs à l’huile, il passe des heures devant des paysages. Mais ce que Camille préfère : c’est peindre les gens !
Camille demande à ses amis de poser. Jean et Jonas, les jumeaux du café Domino Pierre, le vendeur de journaux Joséphine, la petite fille du premier étage Mona, en vacances
Camille pense souvent : « Ma peinture est affaire de rencontres. » Être modèle, c’est aussi un travail. Pour une nouvelle série de portraits, il scotche une petite annonce dans l’escalier de l’immeuble. Au premier rendez-vous, Keiko, sa voisine japonaise, arrive en avance. Élégante et intimidée. Camille lui précise combien d’ argent elle gagnera et dit : « Pour les poses, tu t’installes comme tu veux. Tout simplement. »