Extrait du livre Jules et Sarah, enquête à Hong Kong
Jules et Sarah, enquête à Hong Kong de Grégoire Vallancien aux éditions ZéTooLu
Jules et Sarah, enquête à Hong Kong
Prologue Jules et Sarah n’ont jamais quitté la France. Alors, ce qui se passe ce matin-là dans la cuisine est le début d’une incroyable aventure. Cette aventure commence dans une boîte de céréales pour le petit déjeuner. Ce sont des Choko Nuts à la praline cœur fondant, les meilleurs ! selon Sarah. Même leur père les adore, mais leur mère, pas du tout. Elle prétend qu’ils sont beaucoup trop sucrés. Bref, en ouvrant une nouvelle boîte, Jules trouve à l’intérieur un ticket à gratter. Il ne s’en soucie pas, il a hâte de s’en remplir un bol avec un peu de lait. Par jeu, Sarah lit le petit ticket et comprend que si au grattage apparaissent les deux lettres H et K en doré, elle gagne un voyage pour deux à Hong Kong, à l’occasion du Nouvel
An chinois. Alors, avec le premier couteau qui lui tombe sous la main, elle gratte et, à sa grande surprise, l’une après l’autre, les deux lettres se dévoilent. —C’est dégoûtant ce que tu fais ! C’est le couteau du beurre, lui fait observer son frère. —C’est dégoûtant, mon frérot, mais j’ai gagné un voyage à Hong Kong ! dit-elle en se levant de sa chaise et en dansant autour de la table de la cuisine, le ticket à la main. —Un voyage à Hong Kong, tu te rends compte ! Leur père entre dans la cuisine en nouant sa cravate. Dehors, il fait presque jour et il est temps de partir à l’école. —Qu’est-ce que c’est que ça, les enfants ? Vous n’avez pas encore fini votre petit dej’ ? —Papa, j’ai gagné un voyage tous frais payés dans un hôtel de luxe pour le Nouvel An chinois à Hong Kong ! —Hein quoi ? Qu’est-ce que c’est ? dit le père en regardant le ticket de plus près. Bon, on verra ça ce soir avec maman. Allez hop, filez à l’école. Je ne veux plus vous voir là, les jumeaux. Oui, Jules et Sarah sont jumeaux. De faux jumeaux, dit-on, puisqu’ils ne se ressemblent pas du tout ! Mais ils fêtent leur anniversaire le même jour et ce jour-là, exceptionnellement, ils ne se disputent pas. Le reste du temps, ils s‘adorent mais ça ne se voit pas !
Chapitre 1 Conseil de famille Ce soir-là, avant le dîner, s’organise un « conseil de famille », même le chien y assiste mais en dormant. — Vous n’êtes jamais partis en avion. C’est complètement irréaliste, déclare leur mère, debout les bras croisés, le visage fermé. On ne peut pas vous laisser partir comme ça, tout seuls… Dans une ville gigantesque, en Asie ! — Et pourquoi pas ? On est assez grands ! Vous n’avez pas le droit de nous en empêcher, s’emporte Jules. C’est injuste. Énervements, cris, colère… tout le monde parle en même temps… Sarah comprend vite que le voyage à Hong Kong n’est pas encore gagné…
Pour finir, après bien des arguments, leur père a une idée. — Si vous partez, vous n’irez pas seuls à l’hôtel. Vous irez vivre chez ma tante Ursula, si elle le veut bien, précise-t-il en levant son index. — Chez Ursula Hulotte ? s’étrangle leur mère. Mais elle ne les connaît même pas. Ça ne l’a jamais intéressée, les enfants ! — Elle n’a pas d’enfants mais ça ne veut pas dire qu’elle ne les aime pas, dit leur père. Et puis, elle aime beaucoup les animaux. —Si elle aime les animaux, elle va être servie ! Avec Sarah qui est bavarde comme une pie et Jules qui mange comme un cochon. — De toute façon, ils iront chez elle ou ils n’iront pas du tout, trancha leur père. Sarah est dubitative. Elle voyait bien une solution s’amorcer, mais leur père leur avait toujours décrit tante Ursula comme une affreuse sorcière avec un nez crochu et des yeux globuleux derrière de grosses lunettes. — C’est vrai, quand j’étais petit, elle me faisait peur. Elle est un peu excentrique, elle a vécu en Afrique longtemps et au Vietnam. Maintenant, elle travaille à Hong Kong, mais elle est… très gentille. Vous irez seulement loger chez elle ; en cas de problème, elle sera là. C’est tout. — C’est tout ? demande Jules. On sera libre de faire ce qu’on veut dans la journée ? On ne sera chez elle que pour dormir… — Sinon vous restez ici ! Nous sommes des parents responsables… précise leur mère. — Bon, conclut leur père en passant quatre assiettes à Jules, je vais lui téléphoner demain, promis ! De toute façon, maman a raison, ça
m’étonnerait qu’elle soit d’accord. Elle préfère vivre seule, sans qu’on la dérange. • Le lendemain, lorsque leur père appelle tante Ursula, celle-ci répond immédiatement que, bien sûr, elle serait ravie d’accueillir ses petits neveux ! Chapitre 2 Vol 7645 pour Hong Kong Couché dans les hautes herbes brûlées par le soleil, un lion superbe baille à s’en décrocher la mâchoire. Marchant lentement d’un pas pesant, un troupeau d’éléphants se rapproche d’un étang. Les mâles, avec leurs longues défenses, marchent en tête ; les petits éléphanteaux trottinent après leurs mères. Dans l’avion du vol 7645 pour Hong Kong, Sarah suit un documentaire animalier sur le petit écran qui lui fait face. À côté d’elle, son frère regarde un film d’aventure où des espions mutants essayent d’envahir une ville mystérieuse, mais un super policier très musclé lutte pour sauver, à lui seul, toute l’humanité.
Une hôtesse de l’air remonte le couloir central en poussant un chariot devant elle. Elle distribue les plateaux-repas garnis de rôti de veau nappé d’une sauce difficilement identifiable, accompagné de petits pois. Soudain, une sonnerie retentit et une voix suave déclare d’un ton rassurant que l’avion entre dans une zone de turbulences. Tout le monde fixe sa ceinture de sécurité. L’appareil se met à tanguer avant de perdre de l’altitude et s’enfonce brutalement dans un interminable trou d’air. Certains passagers crient comme dans un grand huit, d’autres sont blancs comme des cachets d’aspirine et se cramponnent à leurs accoudoirs ou au bras de leurs voisins ! On dirait que l’avion est en chute libre. Tous les petits pois que Jules a laissés dans son assiette quittent le plateau-repas et s’élèvent au-dessus de sa tête pour flotter dans les airs. Lorsque l’engin se stabilise, les petits pois et quelques carottes retombent en pluie… sur la tête du voisin de Jules ! Jules est désolé, Sarah, elle, n’en peut plus de rire. Le voisin est un monsieur d’une cinquantaine d’années, très distingué avec des cheveux blanc argenté et un costume chic. Il est hyper bronzé et a des dents d’un blanc éclatant, comme un moniteur de ski qui reviendrait de vacances et qui ferait de la publicité pour du dentifrice. Le voilà avec des petits pois partout ; dans les cheveux, dans les plis de sa veste, sur les genoux, jusque dans son col. Jules se confond en excuses et lance des regards courroucés à sa sœur qui en pleure de rire. L’homme se tourne vers eux en souriant : — Vous allez à Hong Kong pour les vacances ? leur demande-t-il en se débarrassant du plus gros des petits pois. —Euh… oui. —Vous avez de la famille en Chine? —Euh… Ursula, une vieille tante de notre père…
—Mais on ne la connaît pas encore, intervient Sarah. Nous y restons dix jours, comme ça, on sera là-bas pour le Nouvel An. —Le Nouvel An ! Mais c’était il y a deux semaines, s’étonne l’homme. —Oui bien sûr, s’amuse Jules, mais c’est le Nouvel An chinois. —D’ailleurs, note Sarah, ils ne le fêtent pas chaque année à la même date. Cela dépend de la lune. Nous, on a gagné notre voyage dans une boîte de céréales. —Ah bon? Vous êtes sûrs que ce n’était pas dans une boîte de petits pois ? demande le voisin d’un air amusé. Sarah repense au soir où elle avait dû tant insister auprès de ses parents pour pouvoir faire ce voyage. Hong Kong, ça lui paraissait un peu fou. —Eh bien, dit le voisin, après qu’on lui a raconté toute l’histoire, vous avez de la chance d’avoir une tante qui vit là-bas, si je comprends bien… —C’est la tante de notre père, Monsieur ; nous, on ne la connaît pas. Mais on sait qu’elle travaille pour un organisme international qui lutte contre le trafic d’animaux, précise Jules. —Ah bon… c’est intéressant, mais ne m’appelez pas «Monsieur», je vous en prie. Je m’appelle Charles-Henri. Dites-moi, ce trafic d'animaux, qu’est-ce que c’est, exactement? —Normalement certains animaux sont protégés par des lois internationales, explique Sarah. Malheureusement, cela n’empêche pas que les braconniers les capturent pour les vendre. Il n’y a pas longtemps, dans un grand zoo en France, on a volé des ouistitis argentés et des tamarins-
lions dorés, des petits singes du Brésil très rares. Pire encore, des braconniers ont abattu un jeune rhinocéros de quatre ans pour lui scier sa corne. C’est facile de chasser les animaux dans les zoos ! Mais une corne de rhino se vend très cher et le trafic rapporte beaucoup d’argent. —Effectivement, reprit Charles-Henri en hochant de la tête. C’est affreux… Et la tante de votre père lutte contre ces trafiquants ? —Oui, notre famille la trouve fofolle, mais moi je crois qu’elle est géniale ! déclare Jules. —C’est amusant, moi aussi je connais une femme qui s’appelle Ursula et qui vit à Hong Kong. Ursula… Ursula quelque chose. Je ne me souviens plus de son nom de famille. —Hulotte. Ursula Hulotte? propose Jules. —Ah non, ce n’est pas elle. Elle ne s’appelle pas Hulotte, conclut Charles-Henri en se replongeant dans son journal. • Par le hublot, Sarah regarde le soleil se coucher sur la mer ; de longs nuages orangés se découpent sur une nuit bleu foncé. Elle retire ses lunettes et s’endort doucement, tassée dans son fauteuil, la tête calée dans un sweat roulé en boule, comme un oreiller. Elle rêve de Hong Kong, « l’île aux mille parfums » ! Elle imagine des gratte-ciels gigantesques au long desquels clignotent des caractères chinois en tube néon. Depuis qu’elle a gagné ce voyage, elle ne pense plus qu’à ça. Elle a minutieusement préparé son séjour, mais sans vraiment oser y croire… Alors maintenant, et seulement maintenant qu’elle est dans l’avion, elle peut enfin y croire pour de vrai : demain, elle sera en Chine !